De la guerre par procuration à l'intervention à visage découvert : un nouveau pas a été franchi dans la guerre de Poutine contre l'Ukraine. Des unités militaires russes lourdement armées sont aujourd'hui en opération dans le Sud du pays. La prochaine cible de cette offensive semble être Marioupol, 3ème plus grande ville du Donbass et importante cité portuaire et industrielle. Sa prise constituerait une avancée majeure en vue d'établir un isthme entre la Russie et la Crimée. Des milliers de civils ont déjà fui Marioupol.
On assiste actuellement à ce que l'on pouvait prévoir depuis des semaines : tandis que Poutine annonce „vouloir la paix“ et que Lavrov assure la main sur le coeur que la Russie n'a „aucun intérêt à voir l'Ukraine s'effondrer“, le Kremlin renforce son emprise sur l'Est du pays. Après les armes lourdes et les mercenaires russes, ce sont maintenant des troupes de l'armée régulière qui y font leur entrée.
Le message est clair : Poutine n'est pas disposé à lâcher l'Est de l'Ukraine. Une Ukraine réformée dans le sens de la démocratie, avec une économie performante, est un cauchemar pour l'élite russe au pouvoir. A défaut de réussir à faire revenir l'Ukraine dans la zone d'influence russe, il faut au minimum isoler le coeur industriel de sa partie orientale et déstabiliser le pays par un conflit gelé. L'Europe assistera-t-elle à la destruction d'un Etat qui a opté pour les valeurs européennes ? Accepterons-nous que les dirigeants russes remettent en question la paix qui règne en Europe ? L'Occident s'est accommodé du dépeçage de la Géorgie et a accepté l'amputation de la Moldavie ; sacrifiera-t-il aussi l'Ukraine pour éviter le conflit avec le pouvoir russe ?
Etre sérieux en politique, c'est d'abord appeler les choses par leur nom. Nous attendons donc de la Chancelière Angela Merkel et du ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier que, comme d'autres gouvernants européens, ils parlent de la guerre que mène la Russie contre l'Ukraine. L'UE quant à elle ne doit laisser subsister aucun doute quant au prix politique et économique élevé à payer pour l'agression d'un Etat avec lequel elle a conclu un accord d'association. De nouvelles sanctions aptes à renverser durablement le calcul coût/bénéfice de l'élite russe au pouvoir doivent être imaginées. Le soutien à l'Ukraine doit dans le même temps être renforcé à tous les niveaux. Cela implique notamment une assistance à grande échelle des populations touchées par la guerre, la sécurité énergétique de l'Ukraine et une aide financière plus importante afin de prévenir l'effondrement du pays. L'Ukraine doit se défendre contre un voisin hyperpuissant ; cette situation critique doit être l'occasion pour les gouvernements européens d'insister sur le fait que les portes de l'Union lui sont ouvertes. La suppression de l'obligation de visa pour les citoyens ukrainiens serait une autre démonstration de la proximité entre Ukrainiens et citoyens de l'UE.
La guerre non déclarée des dirigeants russes contre l'Ukraine met gravement à l'épreuve la capacité d'action politique de l'UE. Celle-ci ne peut accepter que le Kremlin ressorte des fonds de placard de la guerre froide la doctrine de la „souveraineté limitée“. Ne nous méprenons pas : l'enjeu n'est pas „seulement“ l'avenir de l'Ukraine. Ce qui est en jeu, c'est l'avenir de l'Europe.
Les gouvernements ne sont pas les seuls à devoir agir : cette alerte s'adresse aussi à la société civile. Nous lançons un appel à tous les démocrates : passez à l'action ! Prenez parti pour la souveraineté de l'Ukraine, participez aux actions de protestation contre l'intervention militaire du pouvoir russe !
Marieluise Beck, député au Bundestag
Oleksandra Bienert, collectif Euromaidan Wache Berlin
Pamela et Wolf Biermann
Olaf Böhnke, directeur du bureau berlinois du European Council on Foreign Relations
Marianne Birthler, ancienne directrice de l'administration en charge des archives de la Stasi
Franziska Brantner, député au Bundestag
Viola von Cramon, ancienne député au Bundestag
Peter Franck, juriste
Ralf Fücks, directeur à la Fondation Heinrich Böll
Rebecca Harms, présidente du groupe parlementaire des Verts/ALE au Parlement européen
Gerd Koenen, historien
Sergey Medvedev, association iDecembrists e.V.
Markus Meckel, ancien ministre des Affaires étrangères
Stefan Melle, association Deutsch-Russischer Austausch e.V.
Ruprecht Polenz, ancien président de la Commission des Affaires étrangères du Bundestag, président de la Deutsche Gesellschaft für Osteuropakunde (DGO)
Dr. med. Eva Reich, médecin
Prof. Jens Reich, généticien expert en génétique moléculaire
Manuel Sarrazin, député au Bundestag
Stefanie Schiffer, ONG Europäischer Austausch / European Exchange
Prof. Karl Schlögel, historien spécialiste de l'Europe de l'Est
Ulrich Schreiber, directeur du Festival international de Littérature de Berlin
Werner Schulz, ancien député au Bundestag, ancien député au Palement européen
Thomas Sparr, éditions Suhrkamp
Sylke Tempel, rédactrice en chef du magazine "Internationale Politik"
Helga Trüpel, député au Parlement européen
Reinhard Weißhuhn, Robert Havemann Gesellschaft